Cyclone Chido : « Sur 7 jours, on a opéré 150 patients »
Écrit parEva GARNIERle 21 janvier 2025
Retour sur la mission des deux sapeurs-pompiers aubois envoyés en renfort à Mayotte.
Dans un élan de solidarité nationale, deux sapeurs-pompiers du Service départemental d’incendie et de secours (SDIS) de l’Aube, Paul Thiefaine et Ludovic Cadet, ont été déployés à Mayotte suite au passage dévastateur du cyclone Chido. Une expérience marquante, tant par son intensité que par la solidarité qu’elle a suscitée.
Arrivés à Mayotte fin décembre 2024, les deux hommes se sont rapidement immergés dans une situation d’urgence absolue. Paul Thiefaine, infirmier anesthésiste de formation et infirmier en chef à la sous-direction santé du SDIS, a intégré l’Élément de sécurité civile rapide d’intervention médicale* (ESCRIM). Quant au lieutenant Ludovic Cadet, il a été déployé en mission opérationnelle. Basé dans un poste de commandement avancé, il avait, entre autres, la responsabilité d’ouvrir des itinéraires, de sécuriser les bâtiments et d’intervenir directement auprès des habitants des bidonvilles.
Des renforts pour un archipel dévasté
« J’ai déjà effectué trois missions à Mayotte. Je connaissais cet archipel, beau et accueillant, mais cette fois, nous l’avons vu ravagé », confie Paul Thiefaine. Le 24 décembre, dès 7 heures du matin, l’équipe a ouvert l’ESCRIM et accueilli 160 patients en une journée, alors que l’installation est conçue pour 100 passages quotidiens. « Sur les derniers jours, nous avons atteint 270 consultations par jour », relate Paul Thiefaine. En une semaine, l’équipe a réalisé 150 opérations chirurgicales, avec un seul chirurgien à bord. « Les journées étaient longues et extrêmement chaudes. On buvait jusqu’à six litres d’eau par jour pour tenir », se souvient-il. L’un des aspects les plus marquants de cette mission a été l’accueil inconditionnel des patients. « Aucun contrôle d’identité, aucun document demandé. Nous soignions tous ceux qui en avaient besoin », souligne l’infirmier.
De son côté, le lieutenant Ludovic Cadet a occupé un rôle clé dans la coordination des opérations. Basé dans un poste de commandement avancé, il supervisait 170 personnes déployées dans le secteur central de l’archipel. Le lieutenant était responsable de trois détachements : deux unités de la sécurité civile basées à Combani et Ouangani, principalement dédiées au traitement de l’eau potable et aux interventions d’urgence liées au cyclone, ainsi qu’un poste médical avancé, installé à Kahani. La mission « aller vers » représentait un volet crucial de l’opération : se rendre directement auprès des habitants des bidonvilles, souvent méfiants envers les autorités. « Aller à leur rencontre a permis de rassurer ces populations vulnérables, parfois en situation irrégulière, et de leur offrir les soins dont elles avaient besoin », souligne Ludovic Cadet.
« Nous avons pu accomplir des choses exceptionnelles parce que les personnes sur place l’étaient également »
Paul Thiefaine
« Ce qui m’a frappé, c’est leur patience et leur capacité à faire face, même dans les situations les plus critiques. Nous avons pratiqué plusieurs amputations, et la décision était prise en à peine 15 minutes, avec une confiance totale envers les soignants », raconte Paul Thiefaine.
L’équipe a travaillé dans une atmosphère de solidarité unique. « Les fêtes de fin d’année ont été un moment fort. On a improvisé un rougail saucisses pour 120 personnes. Malgré le contexte tragique, on a su créer une ambiance familiale » souligne Ludovic Cadet. Paul Thiefaine, pour sa part, gardera un souvenir mémorable de son anniversaire. « L’équipe m’a préparé un gâteau avec des rations de combat. C’était touchant ». Tous deux n’hésiteraient pas à repartir si l’appel venait : « On repartirait sans hésiter », assurent-ils.
*L’Élément de sécurité civile rapide d’intervention médicale (ESCRIM) est l’hôpital de campagne de la sécurité civile française. À Mayotte, cet hôpital de 1 000 m² a été installé sur le stade de Cavani, à proximité des bidonvilles.